5 octobre 2009

NOUVEAU BLOG

Chers amis,

Pardon pour ce silence un peu long ces derniers mois.
J'écris du Japon où je suis revenu vivre ...momentanément.

Ce blog s'arrête ici. Désormais, j'ai vraiment achevé ce long voyage. Deux ans et quelques à bourlinguer, deux ans à être de retour. Mais les germes qu'il m'a legué continuent de croître en moi, et ce nouveau séjour japonais pourrait bien être un de ses rejetons.

Voici donc l'adresse à retenir:

http://japon01.wordpress.com

http://japon01.wordpress.com

Le présent blog reste bien sûr accessible, je compte même le paufiner pour en faire une digne archive de mon périple.

Du fond du coeur, merci, et à très vite!

Que votre ombre grandisse.

Adrien

28 février 2009

200 ans d'histoire de Genève... des copeaux!



Il est des parfums qu'on reconnaît entre mille. Ceux des livres de son enfance, des rocs poncés par la Méditérannée, ou de l'epiderme d'une conquête au réveil.

Et il en est un, seigneurial, puissant, qui grandit l'air et anoblit l'âme. Celui du cèdre du Liban.

Il précède toujours la vue. Et parfois, cela vaut mieux, car ce que j'ai vu m'a remplie de tristesse.

Trois vénérables cèdres ont cessé d'exister à Genève la semaine du 9 février à Genève. Par n'importe lesquels, des monuments. Des gardiens de la mémoire, des arbres tutélaires.


L'indignation des citoyens n'a pas pu empêcher le désastre: Le cèdre du parc Sautter a été coupé en rondelle, comme le magnifique pin laricio à côté de lui, ainsi que 300 autres arbres de toutes tailles. Ilot de verdure sacrifié pour l'extension du CMU. Mais n'y avait-il pas moyen de le préserver, au moins lui? Alors que les projets architecturaux intégrant des arbres vénérables sont de plus en plus cotés, ici, c'est un monolithe de béton qui va s'ajouter au complexe du CMU et du CHUV dont le style ferait pâlir d'envie Brejnev.

Précisément, c'est le style d'une époque. Une époque qui a eu son lot d'impunité dans l'aménagement du territoire. Une époque dont certaines autorités semblent ne pas savoir qu'elle est révolue. Force est de constater que si les Genevois aiment leurs arbres, il s'en trouve encore pour, sur une carte, tracer une ligne et un trait sur notre patrimoine!


Je croise trois promeneurs qui ont des décénnies de souvenirs de plus que moi. L'un d'eux me raconte qu'il a fait toute son école primaire ici, au temps où le lieu-dit s'appelait Pré-fauchot: "On jouait tout le temps au train dans la cour. On mettait des batons par terre, comme des rails, et on faisait le train. L'arbre, ç'était notre gare principale!"


Une cour d'école... oui, le parc Sauter n'était pas si grand. Mais il était un poumon vert dans la ville. La ville qui finalement l'a bouffé.

Plus haut, c'est Champel, bientôt aussi densément urbanisée que les Pâquis ou Plainpalais. Les cafés et les commerces en moins! Des chênes centenaires, rue Eugêne-pittard, il ne reste souvent plus que des souches... ou des poteaux

télégraphiques. Maintenant que des immeubles ont remplacés les maisons de maîtres, il faut de la place pour les Porsche Cayenne...


A quelques pas du Parc Sautter transformé en Verdun, de l'autre côté de la place Claparède, se dressait jusqu'il y a deux ou trois ans un magnifique Pi

n de l'Himalaya dans une propriété à l'orée du quartier des Tranchées. Là, on prend plutôt soin des arbres, qui d'ailleurs ne sont pas légion. C'est plutôt de vieillesse que le pin est mort... à moins que ses propriétaire trouvâssent qu'il penchait trop.



"Nos arbres" -pour emprunter à mon bouquin de chevet de quand j'avais dix

ans- ne sont pas tous égaux face à notre climat, à la pollution, au piétinement. Regardez le parc des Eaux-vives: Dans chaque "chambre" de Séquoias géants, il en manque au moins un ou deux, et ils chaque année ou autre périclite.

Dans la rocaille dudit parc, celle ou les jeunes mariés venaient depuis des générations se faire tirer le portrait, deux cèdres d'une quarantaine de mètre ont éclatés lors d'une tempête la semaine dernière. Le banc sous leur ramure a été pulverisé. Je compte 136 cernes sur l'un des d

eux. Un gamin, pour celui du Parc Sautter.


Ici aussi, l'air restera musqué pendant des mois.


Même si l'homme n'est pas directement responsable pour ces deux cèdres-ci (ils étaient haubannés l'un à l'autre), les accidents naturels devraient nous pousser à encore davantage de vigilance vis-à-vis du tronçonnage gratuit: Nos arbres ne sont pas illimités, ils sont un leg, un héritage à la merci des rapines. Je suis d'avis qu'un arbre centenaire ou rare a plus de valeur qu'un autre. Le cèdre du Parc Sautter méritait à lui tout seul qu'on sauve le parc. Quant à sa santé, elle était excellente. Ô combien de fois j'ai vu la maladie servir de prétexte pour couper un géant, alors qu'il n'en était rien!!


Malheureusement, les dégats ne sont pas prêt de s'arrêter. Un exemple parmi d'autres, la future extension de l'OMC, qui au lieu de se faire à dix minutes du batiment actuel (l'ami Lamy ayant fait des siennes), envahira l'est du Parc Barton. Il prendra notamment la place d'un parking, certes, mais endommagera les racines de nombreux arbres, en plus de limiter l'accès aux parc. Soyons alertes, soyons citoyens, et plantons-y plutôt les arbres vénérables de demain!


Que votre ombre grandisse comme celles des cèdres au couchant.

Adrien

16 février 2009

Fraîche candeur de la poudreuse



Je m'étais déjà résigné. Skier dans la poudreuse, comme sur des cartes postales des Rocheuses ou de l'Argentine, je croyais que ça ne m'arriverait jamais. La poudre, je connaissais, mais à petite échelle. Le temps d'une combe ou de tracer dans le fond d'un passage à l'ombre. Furtive, jamais en abondance, et souvent presque aussi damée qu'une piste.




En suisse conforme au cliché, j'ai grandi avec des skis au pieds... l'hiver du moins. Commencé vers 3 ans, je crois, et chaque hiver jusqu'au voyage. De retour de l'odyssé, j'avais un tout autre regard. Ce qui me paraissait être la plus naturelle des activités pour la période de Noël à mon anniversaire, était devenu un gaspillage, un luxe indu, une dégradation progressive mais durable de la montagne.





Et chaque année qui passe semble donner raison à cette sombre évocation. Réchauffement climatique oblige, les stations construisent des lacs de retenue, assechant les ruisseaux dès leur source, pour alimenter les canons à neige. Les stations se développent en altitude, partent à l'assaut des 3000m, menaçant des écosystèmes déjà fragilisés. Et je ne parle pas de l'urbanisation tentaculaire de petits villages alpins, ou de la pollution des voitures...




Et pourtant, je skie toujours. J'ai quelques excuses(je prends le train, n'ai pas de chalet, skie discret) mais j'avoue volontiers mon incohérence. J'aime trop sentir mes jambes fendre le désert blanc, être soulevé par une incandescence de millions de cristaux, et survoler le paysage figé, éphèmère.




Je ne regrette pas ce 21e jour de ski de ma saison, ce fut le plus beau. Le chant du cygne, en quelque sorte... Et si je me trompe, tant mieux!

Adrien
















Ci-contre: Le Dôme, un hors-piste tout contre le sommet des Diablerets. Départ depuis en face de la photo, puis on descend sur le côté du petit glacier.












15 janvier 2009

Feu d'artifice

Comme vous, des sujets d'actualité me touchent, occupent mon esprit avec une intensité redoublée lorsque les dépêches tombent. Il en est souvent dit tellement lorsque le sujet est "chaud"- et si peu lorsqu'autre chose occupe les unes, que je m'abstiens d'ajouter mon grain de sel. Je préfère rappeler des oubliettes des sujets refoulés ou méconnus, surtout s'ils concernent des pays avec lesquels j'ai eu un lien "physique" si vous me passez l'expression.
Je vais faire une exception aujourd'hui.

Je n'en croyais pas mes oreilles l'autre jour lorsqu'un ami souffla qu'il "savait bien ce qu'il se passait à Gaza, mais ces manifs et ces news tout le temps...!"

Alors j'ai décidé de relayer l'allégorie que Reza- grand photographe et fin connaisseur autant du Levant que de la plupart des pays de l'Odyssée eurasiatique- a raconté au micro de la 1ère hier. Le journaliste lui a demandé ce qu'il pensait de la guerre de Gaza, et il a répondu à peu près ceci:

"Imaginez un chaton qu'on coince contre un mur et qu'on affame. A intervalle régulier, on lui donne des coups de pieds. Il s'affaiblit, mais on continue à ne pas le nourrir et à le rouer de coup. Agonisant, sentant sa vie lui échapper, il rassemblera probablement ses toutes dernières forces, et sautera en direction de son tortionnaire. Peut-être même arrivera-t-il à l'égratigner. Ce dernier, alors, criera autour de lui qu'on l'attaque, trouvant l'assentiment des autres pour qu'il puisse anéantir le chaton.
C'est, en résumé, l'histoire récente et actuelle des 1,5 millions de Ghazaoui(...)."

Sans commentaire.

8 janvier 2009

carnets de route japonais

Ciao!
Voici les carnets de route japonais. Ils ne sont plus accessibles sur le site de la 1ère, mais vous pouvez désormais les (ré)écouter ici. Bonne évasion!

carnet n.1: Dans le souffle du Matsuri
tilidom.com

carnet n.2: Shibuya, épicentre de la culture gyaru
tilidom.com

carnet n.3: Les pélerins circinsulaires
tilidom.com

carnet n.4: Les crabes de Mr.Wata
tilidom.com

carnet n.5: A l'école des fermiers
tilidom.com


Devant la staue de Kôbôdaishi/Kûkai, sur la route du pélerinage des 88 à Shikoku (carnet n.3)

31 décembre 2008

Tous cupides, tous généreux

Un mot sur la crise...

Il y a un an, à l'occasion du nouveau cycle du zodiac chinois qui s'ouvrait, je prédisais des nuages dans l'économie chinoise. Juste comme ça, parce que faire des prédictions et les voir se réaliser ç'est toujours jouissif, et que celle-là n'était pas trop difficile à faire.

Les bourses mondiales bouclent leur bilans et ç'est instructif d'y jeter un coup d'oeil: Celles qui montraient la plus forte croissance sont aussi celles qui ont le plus perdu. Tandis que les marchés européens et étasunien ont perdu entre 30% et 40% (excepté le cas de l'Islande, à -94%!), Hong Kong perd 48%, Buenos Aires 50%, Shanghaï 65%, et Moscou 67%. Au final, parmi les « grands », c'est les Etats-unis, matrice de la crise, qui s'en tire le mieux.

Mais ça n'est que le premier épisode, les suivants vont venir tout au long de 2009. Nul ne peut être sûr des faillites à venir. L'industrie automobile a vite rejoint le groupe des junkies économiques, à la suite des banques. Ils réclament aux états des injections de milliards. Une fois accordées ces sommes dont ont refuse systématiquement à la santé et à l'éducation ne serait-ce qu'une fraction, les cours des bourses font des percées records... deux jours, trois, quatre au maximum, puis replongent de plus belle. Gare à l'overdose!

Depuis octobre 2008, le libéralisme se dédit. Il se trahit lui-même. Somme toute, cela ne fait que différer un peu des changements qui sont inévitables. Et jeter par la fenêtre quelque centaines de milliards au nom de « la confiance ».

Dans deux ou trois ans, les plus grands constructeurs automobiles seront peut-être chinois et indiens. Et cela deviendra banal de rouler dans des véhicules de leur production aux Etats-unis et en Europe, où nous aurons raté une fois de plus le train du transport durable.

Le « capitalisme vert »? Biocarburants, compensation de carbone, OGM etc... Foutaise! Au mieux, un argument marketing, au pire, une arnaque planétaire.

Les pages « opinions » des journeaux me font rire! Chacun y va de sa « nouvelle idée ». Même les penseurs les plus renommés sont aveuglés par l'illusion, récurrente à chaque soubresaut de l'histoire, qu'il faut inventer une nouvelle ère.

Ils vont être déçu de découvrir que nous ne vivons pas une grande révolution, mais un simple rebattage de carte. Des capitaux qui changent de main, voilà tout.


...sur l'universalité...

J'entend souvent dire que la cupidité est la racine de la situation actuelle. « déroute de la civilisation à cause de l'avidité » est le genre d'expression qui me vrille les oreilles ces derniers temps, qu'elle soient de la bouche ou de la plume de théologiens rétrogrades, de « philosophes » postmodernes en mal de morale, ou de journalistes qui répètent trop sans réfléchir.

La cupidité ne disparaîtra jamais. Elle n'est pas un mal à extirper de l'esprit humain, mais une de ses composante.
Il faut savoir vivre avec, et contenir ses effets par des règles, des lois. Dire que la cupidité est la cause de la crise, c'est comme dire que l'humain est la cause de la crise: pas faux, mais stérile.

L'attitude de l'homme face à l'argent, au pouvoir et à la propriété, est universellement la même, j'en suis convaincu.

Y a-t-il une morale universelle? (Certains préfèrent le mot « éthique ».C'est du snobisme.) La question serait plutôt de savoir quels traits sont universels et lesquels ne le sont pas.

Certains ont même fait de cette question leur métier. L'universalisme est un courant de pensée philosophique influent, touchant non seulement à la morale mais aussi à tous les traits fondamentaux de l'esprit humain. Mais cela je ne l'ai découvert qu'après mon retour. Mon universalisme est tout-à-fait empirique, c'est une conviction qui s'est imposé à moi à mesure des kilomètres parcourus, des rencontres et des réflexions qui suivirent.

...et sur l'exotisme

J'étais parti avec une soif de langues oubliées, de coutumes inconnues, de derniers des Mohicans, Yagnobis et autres peuples minuscules et superbes.
Ce n'est pas que je ne les ai pas trouvés (les Mohicans, non, mais au moins les Yagnobis!), mais ils ne s'ajustaient pas dans les moules que je leur avais parfois préparé.

Le problème, c'est l'exotisme. Un mot qui cache bien son jeu, mais dont le suffixe, marque des doctrines et des idéologies, devrait nous mettre la puce à l'oreille. L'exotisme existe, mais il est une projection de l'esprit. Un tissu de désirs, d'attentes, d'idéalisations. Une envie irrépréssible que l'Autre soit conforme à l'image qu'on a de lui. Au fond, ne serait-ce pas une envie que l'autre réalise ce que soi-même on a abandonné?

Quel dommage lorsque les autochtones délaissent leur frusques qui faisaient bien sur la photo, snobent leur maison de bois et de torchis et rêvent de construire en béton, d'avoir la télé satellite, des routes dans la forêt et le vert des billets à la place de celui des arbres! Quel dommage lorsqu'ils nous imitent!

Mais nous, est-ce que nous nous verrions vivre en costume d'armaillis, travailler la terre des journées durant, sans mécanique bien sûr, mais avec des outils traditionnels parce que les touristes étrangers préfèrent?

Cette diatribe, je me l'adresse aussi. Car une partie de moi, qui veut se garder de tout penchant pour le pittoresque, hurle pourtant que c'est un ubris, un acte contre nature, et que tous les peuples de la Terre ne devraient pas troquer des millénaires de culture contre un mode de vie fondé sur le court-terme.

Je ne sais. Je suis dans l'incapacité de dire si c'est une tendance bénéfique au final ou si c'est une perte inestimable pour l'humanité, ni s'il y a moyen d'en modifier le cours ou pas du tout.

Cependant, concernant la première interrogation, je ne peux me résoudre à voir le monde de plus en plus uniforme sans réprimer un haut-le-coeur. Car avoir compris que tout le monde sur la Terre a les mêmes rêves, les mêmes peurs, les mêmes réflexes, cela ne rend la diversité des cultures que plus magnifique à mes yeux.


Sur ce, je vous souhaite à tous santé, prospérité, sérénité!
Ou comme on disait jadis: Aguilanneuf!

Adrien

6 décembre 2008

Le paradoxe de Tokyo

東京の或思い出。。。

東京の逆説

Tokyo est une pompe qui aspire et rebute. C'est le paradoxe de la mégapole. Lorsque j'y suis, je rêve de la fuir, lorsque je n'y suis pas je crêve d'y retourner.

Ville des possibles, tant fantasmée -autant au Japon qu'ailleurs- dont personne ne peut dire ce qu'elle est vraiment, tant chacun se bâtit sa propre image de la ville, au gré des expériences.

Comme Quetta, Téhéran, Lagos et bien d'autres, la pieuvre de béton repose sur de l'immaterialité: celle des rêves, des attentes et et des promesses d'avenir de millions d'âmes. Voilà sa raison, son coagulant, sa force fantôme. Voilà ce qui a fait d'un village de pêcheur au XVIIe siècle, une agglomération de près de 40 millions de personnes aujourd'hui.

Mais baste de lyrisme. Au final, Tokyo ça n'est rien d'autre que des gens qui vivent, qui essayent en tout cas. Et ils se foutent bien de savoir si la ville repose sur des siècles d'histoire ou pas.

Tokyo, pour moi, en cet fin d'été 2008: Des souvenirs à ressasser une dernière fois, pour mieux en ajouter de nouveaux.

Depuis une semaine que je suis ici, je marche sur les empreintes que j'ai laissé l'année passée. Une semaine que je revois des amis, que je retourne comme un pélerin sur les lieux où j'ai accroché un bout de ma vie, et que cette ville me tue à force de me faire radoter le passé.

On enterre bien les trésors

J'ai presque fini de distribuer les kilos de chocolat suisse. Le vin aussi, deux très bons bordeaux. On ne les trouve pas ici. Je prends une bouteille pour mon ex-amie. C'est le grand jour: je vais croiser enfin son regard depuis douze mois. Bien sûr notre relation amoureuse est enterré. Mais on enterre bien les trésors, pour les préserver du temps.

Autant l'intensité de notre lien n'a cessé de croître, et de plus en plus rapidement, pendant les 6 mois de mon premier séjour japonais, autant il n'a pas soutenu le choc que le hasard nous réservait pour la fin de mon voyage. Elle enceinte, ç'était un dilemne qui s'offrait à nous. Un choix à tout ou rien, qui nous révulsait. J'ai bien cru -la peur au ventre- que ce serait "tout". Finalement, elle m'a dit deux semaines après mon retour à Genève, que ç'était "rien".
Nous n'avons jamais cessé de se parler, ni pendant ni après. le dilemne et le lien tranchés, restait un traumatisme commun.

Et aujourd'hui elle est là, devant moi. De ces personnes avec qui les paroles sont superflues. Tant a déjà été dit. Sentiment rare. Doux et cru à la fois.

Elle me trouve "plus sérieux et plus large d'épaule". J'ai l'impression qu'elle est encore plus belle qu'avant. Peut-être parce qu'elle travaille moins qu'avant. Elle continue à pratiquer et à enseigner le Chi Gong (気功), héritage de la Chine où elle née (Un an qu'elle a reçu le passeport japonais)... mais elle a appris à parfois dire non aux magazines et au journalistes, friands de cette Chine que les japonais savent être une partie d'eux-même. Elle préféré le calme à la notoriété. Chacun sa manière de noyer ses douleurs de coeur: Moi en étudiant autant que je pouvais, elle en prenant plus le temps.

Sous la sérénité qui s'est déposée, persiste les rancunes passées mais surtout une attirance mutuelle... et c'est parfois difficile de résister. Mais nous aussi, nous arrivons à nous dire non. Et passons, comme elle dit, d'une relation entre un homme et une femme à une relation d'humain à humain.

L'épilogue de l'Odyssée

Une année a passé. Une année d'université, de rythme calibré, de routine qui m'a très vite absorbée. Il ne m'aura pas fallu moins de temps pour tourner la page de l'Odyssée eurasiatique. Pour commencer la deuxième distillation, prendre la mesure du ressac après la vague. Débrouiller les souvenirs, les émotions qui saturent. Un an assez triste, un peu robotique, mais qui devais se passer.

Ici au Japon, la boucle est en train de se boucler. J'écris avec mes pas de nouveaux horizons, tuant à jamais les précédents pour me libérer de leur torpeur.
Extrait d'un carnet, trois notes à la volée:

"Exorciser mes souvenirs. Démythifier le passé. Bousculer une image figée de Tokyo. Voilà à quoi je m'emploie depuis que je suis revenu. Travail de fourmi: revoir chaque personne qui a eu un rôle l'année dernière, refaire pas à pas les chemins d'antan, retrouver routes les rues que j'ai foulées.
La même chaleur inepte dans la ligne Marunouchi, les mêmes couleurs vindicatives et les odeurs âcres de Shibuya, la même poussière surrannée sur le palier de l'immeuble où je vivais, les mêmes tics et habitudes de mes connaissances. Je remplace tout par son identique, et ça donne quelque chose de différent."

Villes dans la ville

pas de centre-ville à Tokyo. Plutôt, une nébuleuse de centres. Chacun a sa spécificité, son caractère et sa tribu, des salarymen aux fêtent-tard(qui sont souvent les mêmes), des skaters aux amatrices de sacs de grands couturiers...
Malgré les cassandres qui croassent à la crise, les gratte-ciels continuent de pousser.

Yamanote-sen, Ôsaki station. La gare croît sans cesse. Comme ses grandes soeurs de Shinjuku, Shibuya, Ikebukuro, Shinagawa, Ginza, Ebisu, Ueno, elle devient tentaculaire. Etendant ses passerelles, ses tunnels, engendrant d'immenses protubérances de béton et d'acier, hôtels ou depâto - ces shoppings malls dont seul un étage m'intéresse, le sous-sol. Invariablement, c'est celui de l'alimentation. Milliers de poissons sous toutes les formes, galettes de riz (sembe) au shôyu, algues fraîches au kilo, okashi de tous les coins du Japon, algues frâiches au kilo, natto moisi à l'ancienne, dans sa gaine de paille de riz... pour ne citer que ceux qui me mettent le plus l'eau à la bouche!

Des montagnes de victuailles, à la limite de l'indécence. Bien trop cher pour moi de toute façon. Si j'y jette un coup d'oeil, ce n'est que pour m'ouvrir l'appétit avant de faire ma propre tambouille ...et ausi pour les dégustations qu'offrent les dévouées vendeuses derrière les étalages.

Les depâto ne sont jamais qu'une partie de ces gares au limites floues, bondées en permanence, propres à en être anonyme. Tout autour bourgeonnent bureaux, banques, restaurants, magasins de fringues sur dix étages, comme une onde qui se boursoufle au milieu des vieux quartiers d'habitation.


Vagant et comblé

A la première semaine, je remarque que je ne tiens pas mon budget. J'ai beau dormir chez Serge, compatriote genevois qui vit à Kawasaki, dans la périphérie ouest de Tokyo, et me nourrir essentiellement de nouilles au sarrasin dans des boui-boui, tout le reste coûte cher. Et ça n'est pas dû qu'au prix du métro.
Quand on revoit un ami, on boit un verre, et souvent plus qu'un seul. Yusuke, par exemple, un de mes plus chers amis nippons, rencontré à Ispahan(!), a beau connaître des Izakaya où l'on fait bombance et boit son soûl sans sortir trop de billets, le portemonnaie finit bien par maigrir. mais je préfère encore que ce soit lui plutôt que moi!
Et puis, je m'offre aussi des gâteries, comme mon nouvel appareil photo...


Deux semaines à Shikoku, seul partie du Japon où je n'avais encore mis les grols (excepté Okinawa), ne m'ont pas coûtés bien cher. Auto-stop, hospitalité, frugalité maximale, la recette est simple. Même dans des pays reglés au millimètre, il y a toujours une place pour le hasard, c'est à soi-même de la ménager. Ne pas hésiter à marcher dans la fange pour se laisser étonner par l'ouverture dont sont capables les gens. Le joyeau dans le lotus, en quelque sorte... mais sans trop de sérieux quand même!


Retour à Tokyo en squatteur amical

Pas une nuit de payée dans la capitale, j'ai assez de contact pour m'épargner cela. Mais comme il ne faut pas abuser, je mène une vie de tzigane urbain, m'établissant tousles 3-4 jours chez quelqu'un de différent.

Dans la "guesthouse" où je logeais l'année dernière, l'un de mes anciens collocataire connaît la cachette du trousseau magique et m'a ouvert une chambre que personne ne loue. Elle doit faire moins de six mètres carrés. Le lit sur lequel reste un futon râpé et la télé que je n'allumerai jamais laissent à peine assez de place pour mon sac à dos.

Au début de ce séjour, je me morfondais ne pas avoir pu arrêter le temps avec mon retour à Genève. Tous les changements par rapport à août 2007, déménagements d'amis, mariages ou même ruptures de contact, me rendaient malades. Aussi, voir mes anciens colloc encore ici m'avait presque soulagé.

Ils viennent tous d'autres régions du Japon. Restent ici malgré leur jobs souvent mal payés, pour économiser un peu et sûrement par attachement.
Comme au bon vieux temps, on s'encanaille à Shimokita, ses ruelles étroites et tortueuses, où le goût de la bière et du sake fait oublier l'odeur de graillon.

Pour mes derniers jours au Japon, c'est une amie qui m'invite à passer quelques nuits chez elle. Quand je l'ai rencontrée, il y a un an et demi, j'alignais à peine deux mots de japonais! A un ancêtre prêt, elle est une Edo-ko (il faudrait pour cela que ses 4 grands-parents soit nés à Tokyo) et sa famille habite une maison gigantesque au coeur de Sannô, quartier traditionnel du sud de Tokyo qui a vu naître nombre de poètes et d'écrivains.

Je dors sur la moquette du home cinema, grand comme cinq fois ma piaule à la guesthouse... et je me réveille chaque matin avec sa joue contre mon torse.


P.S. En prime, un petit morceau de musique. C'est de Yui, que tout le monde écoutait lorsque j'ai débarqué à Tokyo début mars 2007. Et il s'appelle... "tokyo"! Elle chante toujours avec sa gratte... une sorte de Carla Bruni japonaise... avec 20 ans de moins!


tilidom.com

(désolé pour la qualité du son, il est détérioré par les compressions qui me permettent de le publier)

12 novembre 2008

Restez branchés!


Ciao à tous!

Du 1er au 5 décembre, cinq reportages radio inédits que j'ai récoltés cet été sur les chemins de traverse du Japon seront diffusés sur la RSR-La 1ère.

Je vous guide, suivez-moi pour découvrir un Japon aussi insolite qu'exempt de clichés, de la culture branchée de Shibuya aux pélerins circombulateurs de l'île de Shikoku, du vieux pêcheur de crabe aux ex-salarymen de l'école des fermiers, en passant par un festival traditionnel au coeur de Tokyo!

Je vous invite à écouter mes carnets de route du lundi au vendredi de 14h à 15h dans l'émission "Un dromadaire sur l'épaule" de Radio Suisse Romande - La 1ère. Podcastable depuis le site de La 1ère.

Alors à tout bientôt!
Que votre ombre grandisse,
Adrien

2 novembre 2008

Ziarat

Frétillements d'impatience... Après-demain soir, nous allons enfin savoir! Plus que pour n'importe quelle élection américaine, la planète entière est en haleine. Quel que soit l'issue du scrutin, ce sera un séisme politique, un acte à la portée symbolique immense, et les premiers instants d'une ère aux contours encore flou. Seule la confiance avec laquelle le monde s'y engagera, sera différente suivant le nom du gagnant.

Bref, un évenement qui marque les consciences pour la décennie suivante.


Dans la vallée de Ziarat, en revanche, l'événement majeur des dix prochaines années est déjà arrivé, et ca n'est pas l'éléction US. La semaine dernière, un séisme a ravagé la seule vallée boisée du Baloutchistan.

6.5, c'est bien assez pour faire s'écrouler les maisons en pisé, 3000 environ, qui ont tué une bonne partie des 300 victimes.
Et dire que l'hiver commence à peine... La grande faucheuse va rôder longtemps. A 2000 mètres d'altitude, même la solidarité pashtoune ne suffit plus dans un coin du Pakistan qu'Islamabad pille, violente, ...et craint.



Si Ben Laden n'habite pas loin (c'est un secret de polichinelle), parmi les habitants de Ziarat je n'ai rencontré que paisibles fermiers et pâtres contemplatifs. Pas de traces d'extremisme, même si on ne badine pas avec la morale et la religion.

En mars 2006, encore un peu sonné par mon entrée dans le sous-continent, je décidai qu'il devait y avoir autre chose que des balles perdues ou des manifestations de talibans dans ce vaste "pays des purs". On ne devrait jamais juger le Baloutchistan à la seule aune de Quetta, Gaël!

Sortir de cette ville impalpable, fuyante, torve. S'envoyer dans la campagne, s'élever vers les montagnes, dans cette vallée des monts Suleiman, s'étourdir du parfum de la neige et de la résine de genièvre mêlées.
Je n'étais pas le premier à venir trouver un second souffle à Ziarat. Avant moi, les Anglais, qui en firent le Simla du Baloutchistan, toute proportion gardée. Et même Quaid-i-azam, le fondateur du Pakistan, visionnaire mais pas assez pour prévoir que sa grande oeuvre serait la cause d'un des plus grand massacre du vingtième siècle, qu'on appelle bien trop pudiquement,"la partition".

Mais je m'égare... Ziarat c'était surtout de longues marches dans la forêt de genevriers, des routes de terre qui s'envolaient dans une vapeur rouge, des apparitions souriantes et barbues.
Ce fut aussi ma première et surprenante expérience du pashtunwali, le code d'honneur de tous les Pashtuns, qui érige la droiture, l'hospitalité et la parole d'honneur en questions de vie ou de mort.

Je dormais dans une guesthouse rudimentaire ou la principale source de chaleur était moi-même, aidé il est vrai par quelques kilos de couvertures. J'avais négocié un prix comme je prévoyais dormir deux nuits. Mais le lendemain, je fis connaissance avec un villageois qui non seulement m'aida à retrouver mon chemin parmi les sentiers de montagne, mais aussi m'invita chez lui, un hôtel de toute grande classe qui appartenait à son clan(il y avait même une douche... enfin un baquet. D'eau froide bien sûr). Malheur! C'était comme si j'avais rendu cornuto le propriétaire de la première guesthouse: j'avais promis de dormir deux nuits! J'eu beau arguer de mon Suisse-wali, persuadé d'être juste, rien n'y faisait, et bientôt tout le village se perdait en palabre dans des cercles concentriques qui ne cessaient de grandir autour de nous. Refuser l'offre du second, que j'avais déjà acceptée, aurait été un affront.

L'ampleur que prenait cette histoire commençait à me faire peur et je me décidai à trancher le noeud gordien. Je payai la deuxième nuit que j'avais promise au type de la guesthouse, y récupérai mes affaires et les emmenai à l'"hôtel". Je ne regrettai pas, car être mehman, hôte invité, c'est un statut qui ne peut que donner envie de voyager sans limite.

Je pense fort à Ziarat, dont mes souvenirs sont brusquement devenus si différents de la réalité. Pourvu que l'hiver soit clément!

Que votre ombre grandisse.
Adrien

12 octobre 2008

À la prochaine fois!

Merci à tous d'être venus si nombreux mercredi dernier!!

Je vous tiendrai au courant des prochains événements via ce blog. Voici déjà un petit aperçu:

-L'exposition de photos accrochée au Collège Claparède va s'étoffer et migrer vers d'autres horizons.
Le programme est en cours d'élaboration.

-Pendant la première semaine de décembre (normalement), une série de 5 carnets de route japonais que j'ai réalisé cet été sera diffusée dans le cadre d'"Un dromadaire sur l'épaule", émission de la Radio Suisse Romande-La 1ère.

-Une parution est en gestation. Elle verra le jour d'ici la prochaine révolution de Saturne.

-D'autres reportages, expéditions, expos, seront dévoilés prochainement.

Que votre ombre grandisse,
Adrien

19 septembre 2008

Partager la saveur du voyage

Je me réjouis de tous vous (re)voir à cette occasion!

Pour le plan, cliquez ici!

Les places sont limitées, reservez-en en m'envoyant un email blanc à conference@treenations.org avec le nombre de personnes comme sujet.

























Que votre ombre grandisse,
Adrien

13 septembre 2008

marcher pour devenir meilleur

Je ne cesse de nourrir un sentiment de gratitude a l'egard des habitants de Shikoku. Je leur dois beaucoup plus que de belles rencontres, un voyage frugal et agreable, et la saveur retrouvee de l'odyssee eurasiatique.
Je leur dois cette fabuleuse densification de la vie. Cette sensation que chaque jour se suffit a lui-meme, plus encore, qu'il est une epopee a lui tout seul.

Finalement, c'est toujours en menant des voyages aux accents ascetiques que j'ai pu etre le plus hedoniste. A vivre chichement, a faire ces quelques privations de confort, sentiment de securite, planification, entre autres, on laisse une porte ouverte aux autres. On sollicite leur bonte et immanquablement on est etonne d'a quel point elle est profonde.


Je n'ai pas eu besoin de dormir dans une crique du cap Ashizuri. Une voiture m'a tres vite prise, et le chauffeur, de conducteur est devenu une personne avec un nom et une histoire, et de personne est devenu un ami. Uwajima, petite ville de l'ouest de Shikoku, c'est la province. La campagne, meme, comparee a Tokyo. Calme, bon marche, exposee au embruns. Mais pas morne pour un sou: Izakaya(restaurants ou on sert beaucoup de petits plats et pas mal d'alcool), snaku(bar,bar a hotesse et karaoke tout a la fois), ryokan(auberge traditionnel, dont les manieres et le style n'a presqu epas change depuis l'epoque d'Edo-il y a 3-4 siecles), le tout dans une ambiance autrement plus conviviale que dans les grandes villes. Bref, je me suis amuse!

Quelques jours apres le cap Ashizuri, j'etais a Matsuyama, de retour sur la cote de la mer interieure. La, j'ai decide de suivre pour de bon le chemin des pelerins. Si la plupart de ceux qui vont de temples en temples sur les pas de Kukai le font par bus en voyage organise, beaucoup le font encore a pied.

J'ai marche jusqu'au temple le plus proche, fait les ablutions rituels, prie devant l'autel principal... transpire sous le soleil de midi, marche, marche encore jusqu'au temple suivant.

Au bout de quelques heures et de trois temples, je suis arrive pres d'une colline boisee au pied de laquelle le Ishite-ji, un temple qui m'etonna par son etendue. J'engageai la converstaion avec un jeune pelerin deja croise juste avant, qui me montra une grotte sacre et des chapelles... en fait il les decouvrait en meme temps que moi.

Il faisait faim, dans un abri de bois ou nous nous arretames pour manger nous trouvames un pelerin qui faisait le tour de l'ile pour la troisieme fois. Lui continuait jusqu'au temple suivant en auto-stop(tiens donc!). Nous deciadames de faire route ensemble.

Pas si facile, l'auto-stop de temple a temple. Tant bien que mal, on arriva au temple suivant. Le jour etait sur sa fin. Apres avoir gravi les inombrables marches sous la voute de micocouliers geants, Koichi, mon compagnon de route, et moi-meme fimes le tour des chapelles. A chaque fois il annaonait des mantras, tandis que je me contentais d'ecouter cette musique totalement nouvelle. Il fit calligraphier son parchemin par un moine avec qui je discutai ensuite.
Dans le vacarme des grillons, a la nuit tombante, nous arrivames au temple suivant. Numero 55 sur la route de Kukai. Mais on ne visite pas un temple de nuit.On se mit donc a la recherche d'un endroit ou dormir.

Dans ce bled, pas d'auberge. Pas plus que d'hotel, rien! Mais debut septembre il ne fait pas encore trop froid. On s'installa dans un parc. Avec toilettes publiques et lavabo, le grand luxe! Je m'installai sur une sorte de plateforme, Koichi dans le toboggan pour enfants. Lui dans un sac de couchage, moi avec le plus de couches d'habit possible. La nuit fut fraiche et piquante de moustiques. Pas trop difficile dans ces conditions de se reveiller a 4 heures du matin pour voir le lever de soleil.

Nous fumes les premiers au temple. Le soleil nous succeda de peu, puis le moine principal qui sonna l'enorme cloche , et vers 5h30 les vieux commencerent a arriver, pour leur priere du matin et pour se retrouver. Premiers ragots de la journee. Surement pas les derniers. Et un calme a fendre les pierres, comme disait Bassho.


Que votre ombre grandisse,
Adrien

11 septembre 2008

Le grand retour






Apres un dernier au-revoir a Nakaji, j'ai poursuivi mon vagabondage.
Depuis l'interieur de l'ile, je revins sur les rivages du Pacifique.Une voiture me deposa dans un village du bord de mer.

Devant moi s'etendait une immense plage blanche dans la brume du matin. J'apercevais des surfeurs. Mais je voulais poursuivre, aller jusqu'au cap Ashizuri.
A nouveau, je me plantai au bord de la route et le temps me paru long. J'ai pourtant ameilore ma technique par rapport a l'annee derniere. J'ai les cheveux courts, suis glabre, et je parle beaucoup mieux japonais. Mais je reste un gaijin et cela retient plus d'un Japonais de s'arreter, par peur de ne pas pouvoir communiquer adequatement, voire par honte de ne pas parler anglais. Le temps qu'ils hesitent, ils sont deja loin et se disent que quelqu'un d'autre qu'eux s'arretera. Certains pourtant font demi-tour.

C'est ce qui arriva. Une voiture qui allait dans l'autre sens me cria "we're coming back, wait for us!!!". あれ?英語だろう...? C'etait un couple de Japonais, qui parlaient anglais courrament.Et pour cause, lui avait passe la moitie de sa vie(c'est-a-dire 20ans) a New-York. Il revenait s'installer au Japon, en compagnie de sa fiancee. Elle venait de ce coin perdu et magnifique de Shikoku, qu'elle avait quitte tres jeune pour Tokyo puis les USA ou elle est devenue une photographe connue.
C'est pour rencontrer les parents de sa copine qu'ils etaient venu la.

Je passai la nuit dans une petite auberge traditionelle, avec bains chauds, pour un prix risiblement bas. De nombreux surfeurs y etaient aussi, certains ayant parcouru plusieurs centaines de kilometres pour gouter au vagues du pacifique, ce coin de Shikoku etant le troisieme meilleur spot du Japon d'apres eux!

Les vagues, je m'y enveloppai le lendemain, avec le couple qui m'emmenait en direction du cap Ashizuri. Magnifique plage et temperature ideale. Un pur plaisir.
La route du cap est tortillarde, dans une jungle tropicale preservee. A se demander pourquoi le couple ne s'installe pas la. C'est que lui est osteopathe, revenu au Japon avec l'ambition de faire reconnaitre, avec ses collegue, ce metier comme une medecine a part entiere, ce qui n'est pas encore le cas au Japon. Bref, une fois de plus, les grandes villes(dont Sendai, au nord de l'ile principale, ou ils vont s'installer) sont etouffantes mais souvent le seul endroit ou s'assurer un emploi.

Ils me deposerent peu apres le cap, non sans avoir marche au-dessus des falaises, parmi les chaumes des bambous et les crabes ecarlates, dans la moiteur saline.
Le soleil commencait deja a rougeoyer.

l'ecole des fermiers



Depuis Takamatsu, re-auto-stop. En une journee j'ai traverse l'ile du nord au sud. Fraichement retraite, le chauffeur de la voiture qui me prit allait avec voir un barrage dans les montagnes du centre de Shikoku. Pas n'importe lequel, le plus grand de l'ile mais presque completement a sec car l'eau est vendue aux prefectures voisines, plus industrielles et plus gourmande en eau. Ce qui met a jour des batiments engloutis il y a presque cinquante ans. Assez photogenique...

A Kochi, la principale ville du sud de l'ile( d'une grande importance historique mais une des regions les plus idolees du Japon), je dormis dans un cafe internet. Dans les villes japonaises, c'est souvent la solution la meilleure marche. Certains jeunes japonais ont quasiment elu domicile dans ces box etroit mais bourres d'electronique.

Je pris le lendemain la route qui longe la mer(l'ocean pacifique en fait) vers l'ouest. Campagne profonde comme on n'en fait plus beaucoup au Japon. Il faisait une cuite a ne pas attendre sur le bord de la route le pouce leve, mais je perseverai et on me laissa monter. C'etait un ex-pelerin Tokyoite, Nakaji, qui avait elu domicile dans l'ile. Macon pendant 20 ans, il etait venu cette anne faire le fameux pelerinage qui fait le tour de l'ile. 42 jours a pied sur les traces de Kukai, moine qui fonda l'ecole bouddhiste Shingon au 8e siecle.
Ceci accomplit, Nakaji avait commence de prendre des cours dans une ecole destinee a former... des fermiers! Ex-employes d'entreprises, voire businessmen, hommes de toutes extractions et de differentes regions du pays y apprennent a mettre la main a la pate, ou plutot a la terre. Avec un grand serieux, une discipline rigoureuse et souvent une profonde motivation. Certain pousses par une quete spirituelle, d'autre parce que leur parents fermiers sont trop vieux pour continuer leur exploitation, d'autres enfin parce qu'ils ne supportent plus l'asphyxie des villes.

L'ecole est a deux heures de route du premier bourg, autant dire en pleine cambrousse. Je passai la nuit dans le dortoir de Nakaji, sur un tatami(sans futon, c'est rude mais au moins ca maintient droit). Avant ca, nous avions rendu visite a un vieux fermier, professeur a l'ecole de Nakaji, et dont la femme nous avait prepare a manger pour dix. Avec le crissement des grillons qui couvrait le son de la tele, mais pas le rire du grand-pere. Je ne comprenais presque rien a son dialecte, mais il etait assez communicatif pour que ce soit sans importance. La nuit rentrait par les fenetres ouvertes avec tous ses bruitages d'elytres et ses odeurs de verdure, et moi je me regalais de ce moment delectable avec mes deux bavards, prenant des forces pour affronter le lendemain la route qui m'attendait.

10 septembre 2008

Petite, petite ile


Takamatsu, la ville ou mon voyage autoroutier s'est acheve, n'est pas une megapole, loin de la. Presque un village a l'echelle de Tokyo.Et pourtant, je n'avais pas envie d'y rester. A peine debarque, j'ai marche jusqu'au port, et j'ai demande a un guichet, sur laquelle des nombreuses iles des environs je pouvais trouver des pecheurs. On m'a repondu "Megi jima, la juste en face" 20 minutes de ferry plus tard j'etais. Un village d'une centaine d'habitants, des maisons traditionnelles(a un etage) entourees d'epais murs de pierres a peine taillees, le port a moitie vide d'un cote et une plage de sable borde de 2-3 minshuku(auberges familiales) flanquees de terrasses de l'autre cote.

J'ai longe la plage, et comme il faisait faim j'y ai demande un bol de nouilles. Pas d'hotes dans l'auberge.Jour de pluie signifie jour de conge sur l'ile.Pour les pecheurs aussi, tous dans leurs masures.
C'est le surlendemain que je rencontrai vraiment les pecheurs de l'ile. L'un d'eux me prit sur son bateau, nous partimes a 4 heures du matin, pour la peche au crabe. Entre la ville de Takamatsu et l'ile Megi... a l'image des insulaires, tous passionnes de leur ile mais souvent contraint de chercher l'avenir ailleurs. Mon pecheur etait un employe de poste retraite, qui avait decide de devenir ce qu'il aimait vraiment, le metier qu'il avait appris enfant par son oncle.

Ses enfants et petits-enfants sont dans les villes, travaillent dans des entreprises, des bureaux, et c'est la vie qu'il le leur a souhaite. Mais lui ne quitterait son ile pour rien au monde.

On ne prit pas grand-chose, mais il m'offrit un tourteau que j'amenai a l'auberge pour le petit-dejeuner. La grand-mere de l'auberge me le cuisina. Je faisait presque partie de la famille(tant et si bien qu'elle refusa l'argent pour les deuxieme et troisime nuits!), que j'avais vu au grand complet la veille. Les deux dernieres generations ont leur coeur sur l'ile et leur moyen de subsistance dans la ville.Ils n'en sont pas malheureux, mais ils ne s'y feront jamais vraiment.

O que je les comprends! Apres trois jours sur cette ile, je n'avais deja plus envie de la quitter!

3 septembre 2008

Faut que j'vous avoue...

Ciao!

Ca fait un bail, hein!
Voila pourquoi, en deux mots...

Juin: Examens universitaires, stress a son comble. Tiens, le stress, je ne connaissais plus, ca! Je m'en serais bien passe, c'etait pas drole. (J'ai reussi, c'est l'esentiel.)

Juillet: Deux semaines en Corse, mon deuxieme chez-soi. Un rituel familial, comme une purification annuelle par le vent iode et le bouquet capiteux du maquis.

Puis quelques semaines a Geneve, qu'est-ce-que ma ville est bonnard en ete, de bleu! Tous les soirs l'embarras du choix pour sortir, le lac gorge de soleil, les cafes sur la terrasse de la Clemence...

Aout: Ah bon, j'ai un blog, moi?


Mais venons-en au fait, voulez-vous! Je dois vous avouer que... -noooon! -siiii! Je suis de retour au JAPON!

Je suis parti le 18 aout, et pour un mois(seulement). En avion cette fois-ci. 12 heures, c'est tellement rapide! La premiere fois ca m'a pris un an et demi.

Arrive a Tokyo avec une valise a plus de moitie remplie de cadeaux a distribuer a mes amis et connaissances. Au bout d'une semaine, je n'avais toujours pas fini la distribution... mais quand meme revu tous mes amis les plus chers, dont mon ex-copine, encore plus belle qu'avant si mes yeux ne me trompent pas... Pas facile de refermer le livre du passe, on a toujours envie d'ecrire encore une page, mais ce ne sera pas ensemble.

Pour fuir ma propre nostalgie des souvenirs de l'annee passee, j'ai quitte Tokyo ou mes reperes affectifs sont tout chamboules, et j'ai attaque le plat de resistance du voyage:

Le Japon en auto-stop! Cette fois-ci, direction Shikoku, la seule region du Japon(avec Okinawa, ou je ne pourrai jamais aller en auto-stop ^^ ) que je n'avais encore jamais foulee.

C'est cent fois plus difficile de sortir de Tokyo que d'y entrer, par ce moyen de transport. J'ai attendu 2 heures sous la pluie, j'ai meme chope une crampe a la main a force de tendre la pancarte ou j'avais inscrit ma destination! Pourtant, j'avais prit soin de m'eloigner de plusieurs dizaines de kilometres du centres et j'attendais pile devant l'entree de l'autoroute.

C'est donc la premiere voiture qui est la plus difficile. Passer ce cap, c'est entrer dans une autre dimension. D'aires de service en stations-essence, j'enchaine les voitures et les camions en restant dans l'univers ferme de l'autoroute, dont la seule maniere de sortir est d'etre pris par un vehicule qui sorte a la bonne sortie. En l'occurence, Takamatsu sur l'ile de Shikoku, a environ 900 kil de Tokyo.

Deux jours de route (une courte nuit dans une voiture qui m'avais prise en stop, sur une aire de service, chacun sur son siege incline) avant de sortir de cette univers.

Je voulais aller voir les irreductibles pecheurs de la "mer interieure". J'ai donc pris le ferry pour un ilot a 20 minutes de la ville. 20 minutes qui separe deux epoques, deux rythmes radicalement differents.

suite...bientot!

A tantot
Adrien

6 mai 2008

Où l'on reparle du barrage d'Ilisu


Il existe sur la Terre des endroits qui sont tellement chargés d'Histoire que les pierre des maisons sont des vestiges archéologiques, qu'un quart des civilisations de la planète y ont laissé leur empreinte, et que la même poussière aété foulée par des hommes des cavernes et par les habitants actuels.

L'un de ces endroits, c'est le village d'Hassankeyf au Sud-est de la Turquie. Lorsque j'y suis passé, en novembre 2005, c'était déjà un lieu condamné, promis à un gâchis certain. Voué à être sacrifié par les promoteurs et politiciens turcs sur l'autel du capitalisme aveugle.

Il s'agit de construction d'un énorme barrage sur le Tigre, un des deux grands fleuves (avec l'Euphrate) de la région. Avant tout pour déloger plusieurs dizaines de milliers de Kurdes en engloutissant leurs villages et les pousser à grossir les bidonvilles des villes de l'Est anatolien.

Ensuite pour capter l'eau des fleuve en amont de la frontière syrienne. Le Kurdistan est le château d'eau du Proche-Orient et la bataille pour le contrôle de l'eau a déjà commencé. Quant à la production d'éléctricité, est-ce vraiment une motivation suffisante pour un pays qui est déjà saturé de mega-barrages, notamment ceux sur l'Euphrate? Une chose est sûr: le projet n'est pas destiné à profiter aux populations locales.

Mais pourquoi parler de ce barrage, un parmi tant d'autres projets destructeurs sur la Terre? D'abord parce que ces sont des multinationales suisses, ainsi qu'autrichiennes et allemandes, qui vont realiser le projet. Et ensuite parce que celles-ci ainsi que la confédération se sont récemment dites outrés de la gestion par les autorités turques en matière d'expropriation des villageois, d'environnement et de présérvation du patrimoine culturel.


Si ces entreprises d'ordinaire assez peu regardante sur les droits de l'homme et sur l'environnement (Le barrage des Trois-gorge n'est qu'un parmi les nombreux projets dans lesquels nos ogres (multi)nationaux se sont deshonorés) s'inquiète aujourd'hui, c'est qu'elles ont fourni des garanties quant aux risques à l'exportation du projet. Autrement dit, elles pourraient faire les frais- au sens littéral-du désastre environmental et social causé par la construction du barrage.

Un rapport paru le mois dernier met en lumière des lacunes énormes dans les mesures "compensatoires" des dégats humains et naturels. La Turquie n'a pour ainsi pas encore fait un seul geste envers les populations, ni aucun effort pour s'ajuster aux normes requises par la Banque mondiale et les industries.

Selon le rapport, il faudrait repousser la construction de plusieurs années. Les centaines de villages promis à l'anéantissement, eux, espèrent son annulation pure et simple. Pour que ce fleuve qui a vu naître la civilisation continue à couler et à fertiliser la pensée des hommes.



Que votre ombre etcaetera
Adrien

1 avril 2008

Giboulées

31 mars 2008



Il pleut aujourd'hui, et c'est vraiment étrange: le 31 mars, ç'est mon anniversaire, et depuis que je suis né il n'a fait mauvais temps que deux fois ce jour-ci. A mon avis, c'est la preuve définitive du déreglement climatique! ;)
21 ans... je commence déjà un peu à sentir les années comme un poids. 20 ans, ç'était rond, ç'était symbolique, c'était l'âge rêvé... il y a même un mot spécial en japonais pour le dire ( hatachi). 21, ca le fait beaucoup moins. Mais trêve de plaintes, car je ne regrette pas du tout la façon dont j'ai employé ces années, et je compte bien poursuivre sur la même trajectoire!

J'ai fêté en famille,comité restreint et à la maison, sans faste. Comme dans la tradition chinoise, j'ai remercié mes parents pour m'avoir donné la vie. La reconnaissance, voilà une des leçons de mon voyage. Et reconnaissant, je le suis sincérement, envers eux et envers tout ce qui, hommes, hasard ou chance, a façonné mon voyage. Avec cette anniversaire, ç'est aussi cette grande aventure que je sens s'éloigner un peu plus.

Que votre ombre grandisse,
Adrien

16 mars 2008

Le sang coule sur le haut-plateau

A cinq mois des jeux olympiques, des soubresauts agitent le Tibet. En ce moment même se trame la représsion la plus sanglante de ces 20 dernières années.


Tout a commencé avec les célébrations du 49ème anniversaire de l'exil du Dalaï-lama, le 10 mars. Une manifestation pacifique fut durement reprimée à Katmandhou, créant la surprise autant que l'indignation. Le Népal qui est une terre d'accueil de nombreux réfugiés tibétains avait jusque là toujours adopté une attitude bienveillante envers les éxilés.


Ce fut ensuite au tour de l'Inde, autre soi-disant protecteur des Tibétains (mais en fait uniquement pour des raisons de stratégie politique) de mater les participants d'une marche tout aussi pacifique à 50 km de Dharamsala. Plusieurs fois ces derniers jours des moines et civils tibétains ont tenté de rejoindre symboliquement la frontière mais ils systématiquement arrêtés par la police indienne.


Et puis, vendredi, la contestation a jailli du coeur même du Tibet. Des manifestants, qu'on dit indépendantistes mais qui pour la plupart voudraient seulement que leurs libertés les plus fondamentales ne soient plus bafouées quotidiennement, se sont rassemblés à Lhassa. Ni une ni deux, la police chinoise a ouvert le feu. Ce seul jour une centaine de personne ont probablement été tuées. Depuis, le voile est tombé et peu d'informations filtrent. Mais assez pour savoir que les manifestations spontanées ont fleuri dans les principales villes du Tibet et qu'en parallèle la répression s'est intensifiée. Les quelques images qui parviennent montre le Barkhor, le centre historique de Lhassa que j'ai arpenté des dizaines de fois il y a un an, jonché de voiture retournée, ses magasins en flamme, tandis que l'envahisseur fait déjà du porte à porte pour punir arbitrairement.






Photos: Le temple du Jokhang il y a un an et cette semaine.


Même le Tibet « hors province autonome » (plus de la moitié du territoire tibétain historique, partagé en différentes provinces chinoises) où l' oppression quotidienne est moins violente, s'embrase. Au Sichuan, au Gansu, près des grands monastères on a tué aujourd'hui même.

« Le Tibet meurt de nos silences » dit un slogan. Les massacres qui sont pérpétrés en ce moment doivent nous rappeler pour de bon que le pire ca n'est pas les morts de ces derniers jours. Le pire, c'est l' oppression latente, continue, quotidienne. La violence de chaque instant, rarement visible mais toujours devastatrice. Tous les petits actes et les plus grands qui rabaissent les Tibétains à un statut de sous-hommes, qui entretient leur misère et leur humiliation.


Je ne crois pas au « grand soir » du Tibet. La question n'est pas l'indépendance, même si elle cristallise le rêve de millions de Tibétains, mais bien celle de droits fondamentaux qui leur sont refusés depuis plus d'un demi-siècle.


Pö rangzen!


Que les dieux vous protègent,

Adrien

18 février 2008

Encore plus de frontières sur la Terre...

Bonjour!

Il fait beau à Genève aujourd'hui, un jour de plus de ce chaleureux "hiver indien". Mais pas un jour comme les autres: Vous vous êtes réveillé ce matin sur une planète qui compte 184 états, un de plus que hier matin. Le Kosovo s'est autoproclamé indépendant et les Balkans poursuivent leur atomisation. Encore un peu plus de frontières sur la Terre, mais en avait-elle vraiment besoin?

Lorsqu'au début de mon odyssé, j'ai traversé deux mois durant les ex-républiques yougoslaves, je n'aurais jamais cru que la prédiction du jeune Petar, 14 ans, Bosno-serbe de Banja Luka, se réaliserait. Il m'avait dit: "Tout est déjà décidé. Le Monténégro deviendra indépendant, le Kosovo aussi, tandis que les Européens et Américains empêcheront La Republika Srpska [république autonome des Serbes de Bosnie] de fusionner avec la Serbie."
C'est exactement la situation actuelle. La prophétie de Petar s'est réalisée.

La revanche d'un peuple

Qu'un peuple longtemps pérsécuté, massacré, bafoué proclame sa liberté est plus que légitime, c'est un événement réjouissant. Nettement moins louable est la facon dont l'UE et les USA ont arbitré. Ils ont poussé à un acte qui malheureusement est illégitime sur le plan du droit. Mais surtout, ils ont été partiaux. Ô combien il est regrettable que les diplomaties censées être les plus rôdées du globe, s'enlisent dans des schémas de "gentils" et de "méchants"! Pour reprendre les mots de Gibran, toute victime porte une part de responsabilité, et tout coupable une part d'innocence. Les meurtris d'hier peuvent être les bourreaux de demain, et la paix à venir ne pourra pas se faire sans les ex-assassins. L' UE et les USA auraient du prendre assez de recul pour discerner les conséquences et se comporter avec assez de neutralité pour jouer les vrais intermediaires. Ils n'ont fait aucun des deux.

A la non-diplomatie européenne, va suivre bientôt des réactions divergentes voire contradictoires: Alors que certains pays parmi les 27 vont rapidement reconnaître le dernier-né des états, certains comme la Belgique, Chypre, la Roumanie ou l'Espagne, risquent fort de manifester leur désaccord, craignant de donner du crédit aux luttes séparatistes (flamande, turque, hongroise, basque, catalane) qui agitent leurs propres nations.
A la lisière de l'Union, des états déjà indépendants de facto voudraient en profiter pour s'émanciper davantage: L'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, et encore plus proche de nous mais dont on ne parle presque jamais, la Transnistrie (cap.Tiraspol), séparée de la Moldavie depuis 15 ans. Le président s'appelle Smirnov, comme la vodka, et est un grand ami de Poutine qui pourrait reconnaître officiellement la petite république en signe de mécontentement (Mon pronostic cependant est qu'il ne le fera pas).

Aucun changement de fond...

L'indépendance du Kosovo est-elle si diabolique? Bien sûr que non. En fait, elle va probablement changer très peu de choses à la vie de ses habitants. Et c'est bien là le problème. Avec leur non-diplomatie et leurs préjugés, les 27 sont passés à côté d'une occasion. Une occasion de casser les frontières qui sont dans la tête des gens et entre les peuples, plutôt que de renforcer celle qui existent déjà non officiellement.

Je m'explique. Le Kosovo est de facto indépendant depuis plusieurs année. Depuis les bombardements de l'Otan sur la Serbie en 1999, celle-ci a perdu le contrôle sur cette province qui dès lors survit sous perfusion de l'Union européenne et est gardée par la Kfor. La proclamation n'a rien changé à cela. Le nom de la force armée (le Kosovo n'a pas d'armée) dirigée par l'UE va être modifié, mais l'aide économique sera toujours aussi indispensable qu'avant. Avec 2 millions d'habitants, une économie au point mort et au moins 60% de chômage, le Kosovo n'est pas un état viable en lui-même. J'espère pourtant, avec peu de conviction, que la proclamation va imprimer un nouveau dynamisme économique. Mais je doute que ce pays n'ait de perspective hors d'une profonde intégration à l'Europe du Sud-Est.

...Mais des barrières entre les peuples durablement inscrites

Le Nord du Kosovo est coupé du reste du pays. Personne ne franchit le pont de Mitrovica. Personne,sauf quelques soldats de la Kfor et ces jours-ci des journalistes. Au Nord, on parle serbe, on paye en dinar serbe, et on vit avec les aides économiques serbes. L'integrité territoriale du Kosovo est mal partie. Mais ce n'est pas mon principal souci. Pour moi, le désastre, c'est que les perspectives de rapprochement entre les deux peuples est maintenant nulle pour longtemps. La porte n'était que très faiblement entrouverte, elle semble désormais fermée à double tour.

Dans les petites enclaves serbes du centre et de l'est du Kosovo, on vit littéralement dans des ghetto. Quelques villages sont regroupés autour de monastères orthodoxes du XIVe siècle, les plus anciens de la Slavie du Sud. L'horizon de ses habitants s'arrête souvent à quelques kilomètres des monastères. Albanophone et slavophones vivent ensembles depuis plus d'un millénaire, mais ils ne se parlent plus.

La politique européo-américaine dans les Balkans est une catastrophe depuis le début. En enterinant un découpage géographique en fonction de l'appartenance ethnique- chose impossible dans les faits-, elle cristallise des rivalités qui ont toujours varié en intensité dans l'histoire, mais qui peuvent diminuer drastiquement à force d'effort. La solution de facilité et de reponsabilité minimum de l'UE et des USA est le gage que la crise va durer.

Pour conclure.

Au-delà de la question des Balkans, on pourrait pousser une refléxion globale. Quelle est la priorité? La paix, la préservation de l'identité culturelle, l'indépendance formelle?

Au fil de mon expérience et de mes voyages, j'ai compris que si ces trois revendications se complètent parfois, elles peuvent aussi se contrarier. Des pays ex-colonisés ont graduellement perdu de leur spécifité culturelle en acquierant l'indépendance. La moitié du Tadjikistan vit et travaille à l'étranger pour nourrir leur famille. Ceux-là doivent parler russe ( au moins 95% d'entre eux travaillent en Russie ou dans des pays d'ex-URSS), tandis que les aides à la culture locale et l'éducation sont êxtremement défavorisées.L'un dans l'autre, les Tadjiks semble être plus rapidement russifié et arrive moins à défendre sa culture qu'à l'époque soviétique ou tous l'excellente éducation se faisait aussi en tadjik et la littérature, le théâtre en langue tadjik étaient encouragés.

A l'opposé, certaines minorités ont plus de libertés dans le cadre d'une plus grande nation que seules. En Suisse par exemple, les Italophones des Grisons ont de très nombreux droits et bénéficie de nombreuses subventions pour l'entretien de médias et d'une culture en langue italienne. Globalement, ils sont mieux lotis que s'ils faisaient partie du Tessin (et je ne parle même pas de s'ils faisaient partie de l'Italie!)

Finalement, l'indépendance se fait parfois au détriment de la paix, comme dans les Balkans. Alors qu'une culture particulière ne s'affirme pleinement que dans un environnement stable. Le premier souci des hommes est de ne pas avoir le ventre vide. La préservation d'une culture, d'une langue, d'une identité particulière est une préoccupation de gens déjà rassasié!!!

Si vous avez eu le courage de me lire jusque là, je vous signale que j'ai rétabli l'option commentaire et que si vous voulez me laisser votre avis sur le thème que j'ai évoqué, j'en serais ravi.

Que votre ombre grandisse,

Adrien

7 février 2008

Le cycle du rat

Ciao à tous!

En ce jour de nouvel an chinois (Guonian), tibétain(Losar), vietnamien(Têt) et anciennement japonais(Shogatsu), je vous souhaite amour, sérénité et longévité! Que vos souhaits se réalisent, pourvu qu'ils soient sincères!


C'est le nouvel an tibétain que je vais fêter( avec des amis de la communauté tibétaine de Genève), tout commme il y a un an à Litang( voir post à ce sujet). Ce sera certes moins "exotique" qu'à Litang mais sûrement pas moins authentique et je retrouverai de vieux amis!

Mais là-bas à Litang où le vent des hautes steppes siffle entre les rameaux de genièvre accrochés aux maisons, la répression s'est de nouveau abattue. La pire dit-on de ces vingt dernières années. La fierté des Litang-pa est légendaire et leur renommée dépasse les frontières, et pourtant... l'"exception" du Kham oriental n'est peut-être pas si inébranlable. Ils étaient les rares Tibétains à encadrer des photos du 14e Dalaï-Lama sans avoir à craindre la pire. A vrai dire ce sont eux qui ont toujours été craints par l'occupant!
Mais un moine aurait poussé le bouchon de la liberté trop loin au goût des autorités, et le fragile équilibre qui perdurait s'est rompu: arrestations, tortures, puis manifestations, nouvelles arrestations, réduction des quotas de moines autorisés, manifestations et protestations,
fermetures de monastères, prisons qui se remplissent, prisons surpeuplées... Pour combien de temps la spirale s'est-elle enclenchée? Je prie pour que malgré tout les Litang-pa et tous les Tibétains passent un bon Losar!

En Chine comme au Tibet on entre dans l'année du rat. Il a l'honneur d'ouvrir un nouveau cycle de douze ans, qu'on espère faste. Le cycle qui s'achève a été synoyme de profonds changements, sur fond de tension sociale exponentielle. Tandis que la Chine est devenu la 4e puissance économique mondiale (derrière les USA, le Japon et l'Allemagne), qu'elle s'apprète entre autres à accueillir les jeux olympiques et à inaugurer le barrage des trois gorges, la répression contre les paysans migrants, fuyants les campagne ravagées par les disparités économiques, est de plus en plus violente, et les désastres environnementaux de plus en plus accablants.

Le rat symbolise l'intelligence, l'ingéniosité, l'esprit entrepreneur. C'est aussi un animal qui trouve toujours sa pitance et souffre rarement de la famine. ...Et du froid? voudrais-je demander. Car ce nouvel an et ce nouveau cycle, pour des millions de chinois, commence très mal, les régions du centre étant touché par une vague de froid extrêmement destructrice. Vague de froid qui fait également de nombreux morts au Kurdistan turc, en Iran, en Afghanistan ,au Tadjikistan, au Cachemire,... Autant de pays que j'ai traversé et où se trouve des gens qui me sont chers.

Ces premières catastrophes( je pense également à la chute des bourses) qui ouvrent ce nouveau cycle sont peut-être un signe: qu'il faut calmer le jeu. Faire descendre les tours (économiques), et garder... son sang-froid!

Allez, bonne année à tous!
Adrien